Comment travaillez-vous ?
Je conçois mes tableaux dans mon atelier, ici à Saint-Ouen, au milieu de mes papiers, d’objets, de tubes de couleurs, mes bidons de colle et de résine. Je peux partir d’un petit objet de rien, tout en bas de l’échelle, de la pacotille, et le faire parler. J’ai grandi en Normandie, dans des paysages remodelés par la Grande Guerre et à proximité d’une décharge publique qui porte le nom poétique de Colline aux oiseaux. C’est d’ailleurs là que j’ai trouvé des revues et des vieux dictionnaires qui ont servi plus tard pour mes premiers collages. J’ai vu aussi sortir de terre un des premiers centres Emmaüs, où je découvrais des piles de machines à écrire, l’accumulation des objets. Mon exotisme est né là ! En réalité, si la création ne se faisait qu’entre les quatre murs de mon atelier, ce serait comme une prison. Je suis une sorte de chasseur-cueilleur. Mes lectures, les rencontres, la musique, les explorations : tout infuse naturellement. Même quand j’emprunte l’autoroute ou le train, j’absorbe l’horizontalité des déplacements. Dans mes toiles, les lignes se superposent, se tricotent, se combinent. Mon travail, c’est le fruit de tout cela. Je peins ce que j’ai envie de voir, comme on écrit ce qu’on l’on a envie de lire.
Quel est votre lien avec l’Ircec ?
Je vis caché, mais vous m’écriviez (ndlr. depuis 1992) et ça m’a toujours paru normal de cotiser. Mais c’est devenu compliqué pour moi avec le décès d’un de mes galeristes, rapidement suivi par le confinement. L’époque Covid a fermé aux visiteurs les deux galeries où j’étais exposé et stoppé net toute rentrée d’argent. Je devais pourtant payer mes cotisations Raap. J’ai la chance d’être propriétaire de mon atelier, de mon logement, et de vivre modestement mais je n’aime pas les dettes, alors je vous ai appelés. J’ai toujours reçu un accueil très humain, j’ai senti qu’on prenait le temps de m’aider. Et puis on peut avoir de bonnes surprises, comme lorsque l’assistante de service social m’a appris que je pouvais déjà prendre ma retraite ! Je n’avais pas vu ce moment arriver.
Que signifie pour vous « être à la retraite » ?
Ça n’a pas vraiment de sens. Enfin, pour être tout à fait honnête, cela signifie quand même que je ne dois plus de cotisation à l’Ircec ! Dans ce secteur, on connait tous des hauts et des bas et ma pension est proportionnelle aux montants versés. Sans être bien lourde, ma pension mensuelle me permet d’acheter les bidons de résine. Ne rien devoir à personne, et continuer de faire ce que j’aime aussi longtemps que je vivrai en bonne santé, c’est important. Lorsqu’une personne achète un de mes tableaux, je suis toujours aussi ému et heureux qu’avant. Cela signifie que je vais pouvoir faire une ou deux toiles de plus, poursuivre dans cette direction, creuser l’obsession. On ne force jamais personne à acheter une toile exposée derrière une vitrine, c’est une relation qui se créée, un clin d’œil. Comme une belle rencontre.
Photo d’archive personnelle publiée avec l’autorisation de Florent Chopin, propos recueillis par Kandix. La photo présentée dans l’infolettre de mai a été réalisée dans l’atelier de Florent Chopin.
Actuellement, des œuvres de Florent Chopin sont exposées à Paris (galerie AVM) et à Honfleur (galerie Arnaud Bard). Vous pouvez également découvrir son univers en vous connectant à son compte Instagram @florentchopin_peinture